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Rencontre avec Céline DARNON pour le projet UNDPOLAR : menaces, identités et dissidence : comprendre et combattre la polarisation politique dans les démocraties européennes
Rencontre avec Céline DARNON, professeure des universités, Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO, UMR 6024 CNRS/ UCA), qui porte le projet.
Le projet UNDPOLAR qui réunit 8 équipes de recherche européennes en psychologie sociale, psychologie politique et sociologie, va s’attacher à comprendre comment la polarisation peut émerger des menaces pesant sur l’identité.
Rencontre publiée dans le dixième numéro du Lab, journal de la recherche de l'UCA.
Pouvez-vous résumer en quelques mots le projet UNDPOLAR ?
Dans de nombreux pays européens, l'opinion publique tend à se polariser, c'est à dire devenir de plus en plus extrême sur des questions telles que l’orientation politique, la confiance dans les institutions, la perception des mesures redistributives, l'immigration... Dans le projet UNDPOLAR, 8 équipes de recherche issues de 6 pays européens (Pays-Bas, Belgique, Espagne, Royaume-Uni, Pologne et France), dont le LAPSCO pour la France, vont étudier l’origine et la dynamique de ces polarisations. Plus spécifiquement, notre objectif sera de comprendre comment la polarisation peut trouver sa source dans des mécanismes de menace de l’identité.
Pourquoi cette thématique ? Qu'entendez-vous par « menace de l'identité » ?
La notion d’identité est essentielle dans ce projet. En effet, les individus se définissent à la fois par ce qui les différencie (leur identité « personnelle ») et ce qui les rend similaires aux membres de leurs groupes (leur identité « sociale »). L’identité sociale est donc la composante de l’identité qui découle des appartenances à des groupes sociaux (par exemple, être une femme, être clermontois, être membre d’un laboratoire, ou citoyen d’un pays…) et la valeur qu’on attache à cette appartenance. La recherche montre que les situations qui menacent les identités sociales (par exemple, lorsque le groupe d’appartenance est dévalué comparativement à d’autres groupes) peuvent fortement impacter ce que les individus pensent, la manière dont ils se comportent ainsi que leur propension à accepter ou à refuser le mauvais sort qui leur est réservé. Dans ce projet, nous proposons donc d’examiner comment la polarisation des individus peut émerger des menaces qui pèsent sur les groupes auxquels ils appartiennent.
Pourriez-vous nous donner un exemple d'études que vous allez réaliser dans ce projet ?
Dans une partie des études, nous envisageons de rendre saillante l’identité sociale liée à l’appartenance à un groupe de bas statut social et d’examiner les conditions dans lesquelles cela génèrera un sentiment d’injustice, une volonté d’agir pour plus d’égalité vs. une relative acceptation de la position sociale défavorisée. Dans d’autres études, nous manipulerons la stabilité de la hiérarchie sociale, en amenant des participants à lire un texte présentant la France comme un pays où la mobilité sociale est plutôt élevée vs. faible, en fonction de la condition expérimentale. Cette induction devrait produire des effets très différents en fonction du groupe social auquel les individus appartiennent. En effet, dans un contexte incertain (crise, chômage, etc.), croire en la mobilité est très rassurant pour les individus de bas statut social. A l’inverse, pour les individus appartenant à des groupes de statut plus élevé, un fort degré de mobilité pourrait être perçu comme une menace. Nous faisons l’hypothèse que des attitudes polarisées pourraient émerger en réaction à la menace représentée par la perte de l’illusion de mobilité (pour les individus appartenant à des groupes de bas statut) ou par la perspective d’une possible mobilité descendante (pour les membres des groupes de statut plus élevé).
Quels sont les profils des personnes impliquées dans ce projet et comment sera utilisée cette pluridisciplinarité ?
Certaines des équipes du projet sont spécialisées en psychologie sociale, d’autres en psychologie politique ou encore en sociologie. Même si nous utilisons chacun des outils propres à nos champs de recherche respectifs, notre point commun est un intérêt prononcé pour l’étude des inégalités sociales et leur impact sur la manière dont les individus agissent, jugent et pensent la réalité qui les entoure.
Ce projet est financé par l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de l'appel à projets Democratic Governance in a Turbulent Age (Governance) du Programme de recherche transnational NORFACE