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GENDARM, Re-sensibilisation de micro-organismes résistants aux antiobiotiques au sein de communautés complexes

Publié le 26 juillet 2021 Mis à jour le 13 septembre 2021

Rencontre avec Christiane FORESTIER, professeur des universités, Laboratoire Microorganismes : Génome et Environnement (UMR 6023 CNRS/ UCA), responsable scientifique du projet GENDARM.

Le projet GENDARM fait partie des 9 projets sélectionnés dans le cadre de l’appel à projet bilatéral Agence Nationale de la Recherche (France) et « Federal Ministry of Education and Research » (Allemagne) « 2nd French-German call for projects on antimicrobial resistance 2020 ».


Rencontre publiée dans le onzième numéro du Lab, journal de la recherche de l'UCA.
 

Qu'est-ce que la résistance aux antibiotiques, comment se met-elle en place, quels sont les facteurs qui la favorisent?

L’utilisation intensive d’antibiotiques conduit à la sélection de bactéries résistantes, à l’origine d’impasses thérapeutiques liées à l’absence d’efficacité d’une partie ou de toutes les molécules. Les bactéries ne connaissent pas de frontière, les écosystèmes microbiens de l’Homme, des animaux et de l’environnement sont interconnectés. Toute pression de sélection exercée dans l’un de ces écosystèmes a pour conséquence la destruction des bactéries sensibles et la prolifération de leurs congénères résistantes. Ces dernières peuvent ensuite diffuser, voire transmettre les gènes responsables de leur résistance.


Pourquoi cibler la résistance aux carbapénèmes ?

Le projet GENDARM a pour objectif de développer des outils moléculaires permettant de cibler sélectivement des gènes codant une résistance antibiotique afin de l’annihiler (resensibilisation) sans affecter les autres bactéries des communautés ciblées. Le choix des gènes cibles a été fait en fonction de l’importance clinique des résistances observées chez les bactéries pathogènes : ils codent des enzymes (carbapénèmases) capables de dégrader les carbapénèmes, des antibiotiques de dernier recours utilisés en secteur hospitalier.
 

Pourriez-vous décrire la méthode développée et expliquer en quoi cette approche est innovante?

L’originalité du projet réside en partie dans l’utilisation du système « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats » (CRIS-PR), un outil moléculaire permettant d’induire des cassures spécifiquement dans les gènes ciblés. Lorsque ces gènes sont portés par des plasmides - des molécules d’ADN indépendantes du chromosome bactérien et non essentielles à la survie de la bactérie - ce qui est le cas des gènes codant les carbapénèmases, la cassure de l’ADN cible engendrée conduit à l’élimination du plasmide porteur de la résistance sans détruire la bactérie. L’équilibre des écosystèmes est ainsi préservé mais affranchi de la présence de gènes de résistance.


Pourriez-vous préciser les grandes étapes du projet ?

La première étape du projet consiste à créer des véhicules permettant d’introduire les outils CRISPR dans les bactéries résistantes ciblées. Deux véhicules différents et complémentaires seront développés : des plasmides capables de promouvoir leur propre transfert et donc de s’introduire dans les bactéries cibles par un processus d’échange direct entre bactéries (conjugaison), et des systèmes à base de bactériophages, i.e. des virus infectant des bactéries. L’efficacité de ces systèmes complémentaires sera mesurée par détermination de la resensibilisation de bactéries résistantes, c’est à dire du retour à un état de sensibilité vis-à-vis des antibiotiques par perte des plasmides porteurs des gènes de résistance. Ces essais seront réalisés dans un premier temps avec des modèles simples de bactéries isolées. Ils seront ensuite testés dans des écosystèmes complexes : biofilms formés dans les eaux usées hospitalières et microbiote intestinal contrôlé d’animaux (souris), ce qui permettra également de déterminer l’impact de ces outils sur la composition des écosystèmes.


Quels sont les objectifs en termes de santé publique ?

La résistance aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique. Sa maîtrise passe par un usage raisonné des antibiotiques pour réduire la pression de sélection mais également par des mesures de prévention pour limiter la transmission bactérienne. Le projet GENDARM s’inscrit dans cette dernière optique en générant des outils spécifiques capables de réduire la charge des bactéries résistantes tout en préservant la diversité des écosystèmes bactériens.


Ce projet bénéficie d'un financement ANR à l'appel à projets "2nd French-German call for projects on antimicrobial resistance 2020" : projet ANR-20-AMRB-0006-01