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Rencontre avec Paul AVAN, responsable scientifique du projet RIBEolh
Rencontre avec Paul AVAN, professeur et praticien hospitalier, directeur de l’équipe biophysique neurosensorielle du laboratoire NEURO-DOL (UMR 1107 Inserm / UCA), qui intervient dans le consortium du projet RIBEolh.
Une éolienne est un dispositif qui transforme l'énergie cinétique du vent en énergie mécanique, dite énergie éolienne, laquelle est ensuite le plus souvent transformée en énergie électrique. De plus en plus présente dans le paysage français, elle serait cependant responsable de nuisances, notamment auditives, comme l’affirment des associations de riverains.
Cette problématique a conduit à la création d’un consortium autour du projet de recherche RIBEolh : Recherche des Impacts du Bruit ÉoLien sur l'Humain : son, perception, santé, financé par l’Agence Nationale de la Recherche, et dont l’Université Clermont Auvergne est l’un des partenaires
Rencontre publiée dans le huitième numéro du Lab, journal de la recherche de l'UCA.
Quels sont les grands objectifs du projet "RIBEolh » ? Qui est à l'initiative du projet et pourquoi l'Université Clermont Auvergne en est-elle partenaire?
Souvent installés dans des zones rurales dégagées, parfois inhabitées (haute mer, déserts américains) mais le plus souvent peuplées, les champs d'éolienne produisent de l'énergie renouvelable, d'où leur attractivité pour les responsables de politiques énergétiques. Mais le bruit de ces aérogénérateurs d'électricité fait l'objet de plaintes et controverses. Les plus puissantes éoliennes ont une nacelle à 150m au-dessus du sol et des pales de 60m de long. Elles produisent des infrasons (quelques hertz, liés à la rotation des pales) et des composantes sonores audibles (turbulences aériennes, bruits de mécanismes).
Les associations de riverains signalent des troubles de santé chroniques attribués au bruit, présents uniquement lorsque le vent permet la rotation des pales. Elles exigent des normes acoustiques plus strictes que les actuelles, avec une distance minimum augmentée entre éoliennes et habitations. Mais au vu de la densité d'habitations, même dans les zones les plus rurales, toute construction d'éolienne deviendrait impossible en Europe. Partant du postulat qu’un son inaudible ne peut nuire à la santé, les opérateurs jugent les plaintes des riverains irrecevables. L'ANSES avait commandité un rapport sur la question, sorti en 2017 et consultable en ligne, auprès d'un groupe d'experts constitués d'acousticiens, épidémiologistes, physiciens, physiologistes (Paul AVAN, UCA) et psychoacousticiens. Ce rapport a conclu à la crédibilité des plaintes, à l'existence de méthodes objectives permettant de les valider ou non, et a constaté un besoin évident de monter des expériences en laboratoire pour être calibrées et reproductibles, pour aller au-delà des théories. Un groupe de chercheurs très multidisciplinaire, a saisi cette opportunité de travailler ensemble.
Ils ont ainsi constitué un consortium, retenu pour financement par l'ANR (appel blanc, 2019) pour une série de tâches coordonnées :
- analyser les bruits d'éoliennes et les re-synthétiser pour un usage calibré en laboratoire,
- valider une cabine d'exposition de volontaires à des intensités et pendant des durées réalistes et contrôlées,
- mesurer les sensations et les réponses physiologiques des volontaires,
- construire et réaliser une étude épidémiologique de terrain.
Pour quand prévoyez-vous des premiers résultats concernant l'impact du bruit des éoliennes sur la santé humaine ?
Le travail bibliographique a montré que l'inaudibilité d'infrasons ne préjuge en rien de leur capacité à modifier la physiologie de certaines cellules de l'oreille interne, au point de produire des symptômes (nausées, sifflements, instabilité, fatigue). Des données ont pu être collectées chez l'animal dans le cas d'expositions très artificielles, mais jamais chez l'homme.
Or il existe des tests audiologiques permettant de détecter les déséquilibres des cellules sensorielles de l'audition et de l'équilibre. Certains ont été développés à Clermont-Ferrand, en biophysique neurosensorielle (équipe UMR 1107 INSERM / UCA), et ont permis la création de la société auvergnate Echodia, spécialisée dans l’exploration fonctionnelle dans le domaine de l’otorhino-laryngologie et des neurosciences. Il ne " reste plus qu'à " effectuer ces tests en cabine infrasonore avec les infrasons de synthèse imitant les éoliennes, une tâche prévue en 2021.
Le projet RIBEolh est financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Convention ANR-19-CE36-0009-06